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Zone défavorisée : des agriculteurs de l’Aude gagnent en justice contre l’État

Les agriculteurs du collectif « Pour que vive La Piège » ont obtenu le reclassement de vingt communes en zone agricole défavorisée, après plusieurs recours contre l’État français.

Une cinquantaine d'agriculteurs audois ont obtenu gain de cause contre l’État français, après avoir été déclassés hors de la zone agricole défavorisée et privés de leurs indemnités compensatoires de handicaps naturels (ICHN) depuis 2019.

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Il aura fallu attendre six ans. Dans l’ouest de l’Aude, une cinquantaine d’agriculteurs de la région naturelle de La Piège ont gagné leur combat en justice contre l’État français. Vingt communes ont été reclassées en zone agricole défavorisée, après que leur absence de classement a été jugée « illégale » par un arrêt du 4 juillet 2024 de la cour administrative d’appel de Toulouse.

Un soulagement pour ces agriculteurs du secteur de La Piège, privés de l’indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN) depuis que l’État avait déclassé en 2018 leurs communes en « plaine », à partir d’analyses réalisées uniquement en bord de rivière. La décision avait été incomprise, « totalement injuste » selon les exploitants agricoles, dont les communes sont pourtant situées sur « des bords de coteaux ».

Long combat soldé par une victoire

« Six ans de combat ce n’est pas rien, on n’a jamais été découragé », raconte Loïc Albert, représentant du collectif « Pour que vive La Piège ».

Dès l’annonce de l’absence de classement des communes du secteur de La Piège en zone agricole défavorisée, intervenue en 2018, un collectif d’une cinquantaine d’agriculteurs s’est constitué. « Nous avons engagé une avocate et nous avons effectué plusieurs recours, témoigne Loïc Albert. On a découvert une grande solidarité sur le territoire. »

Le dernier recours en date s’est soldé par une victoire pour le collectif. Par un arrêt du 4 juillet 2024, la cour administrative d’appel de Toulouse a partiellement annulé l’arrêté ministériel du 27 mars 2019, qui déclassait les communes situées dans le secteur de La Piège.

« La cour a estimé que les requérants, composés de l’association “Pour que vive La Piège” et de quarante-quatre exploitants agricoles de la zone, apportaient des éléments suffisamment précis et étayés pour établir que 60 % au moins des surfaces agricoles utiles de chacune de ces communes sont soumises à des contraintes naturelles, telles qu’une pente supérieure à 15 %, au moins 15 % du volume de couche arable constitués de matériaux grossiers ou une profondeur d’enracinement inférieure ou égale à 30 centimètres », détaille la cour d’appel dans la décision rendue.

Plus de 700 prélèvements pour obtenir justice

« Plus de 700 prélèvements » ont été nécessaires pour refaire une carte pédologique de la région naturelle. Face au manque d’information de l’État, qui n’a pas souhaité communiquer les données ayant entraîné ce déclassement, les agriculteurs n’ont eu d’autre choix que de constituer eux-mêmes leurs preuves.

« C’était très très dur de se défendre », explique Loïc Albert. Formé par des pédologues, le collectif a creusé 27 fosses pédologiques pour réaliser les prélèvements sur les communes déclassées, et recréer une carte selon les règles applicables en France. « Notre avocate s’est basée sur cette carte pour demander l’annulation de ce fameux décret. »

L’État, qui ne s’est pas présenté lors de l’audience à la cour administrative d’appel de Toulouse, n’a émis aucune réserve sur la carte fournie. Il dispose désormais d’un mois pour se pourvoir en cassation.

Des indemnités de 350 000 euros par an

« On est très content de ce rendu-là, maintenant ce n’est pas fini », déclare le représentant du collectif d’agriculteurs. Si vingt communes ont été reclassées zones défavorisées, quatre n’ont pas obtenu l’annulation de l’arrêt de 2019. Les communes restantes comprennent majoritairement des productions viticoles, que le collectif « espère reclasser par la suite, grâce à la continuité territoriale ».

Autre point majeur, l’annulation partielle de l’arrêté signifie que ces communes étaient classées depuis 2019. Les pertes économiques ne sont pas négligeables pour les exploitations de ce territoire, « très diversifié mais très pauvre ». Selon les estimations, les ICHN étaient de l’ordre de 350 000 euros en 2018 sur la zone de La Piège.

Les pertes totales incluent donc la somme des ICHN non perçues depuis l’année 2021, et réduites progressivement durant les années 2019 et 2020, ainsi que les frais d’avocat estimés à 50 000 euros. Le collectif ne compte pas s’arrêter là, ajoutant qu’aucune installation en élevage n’a eu lieu sur le secteur depuis 2018, malgré des cessations d’activités. Il souhaite réclamer la rétroactivité, afin de récupérer toutes les aides et subventions « perdues », ainsi que les dommages et intérêts en raison du déclassement. « Nous nous mettons à travailler avec notre avocate sur la suite du dossier et sur sa forme. »

Pour remercier tous ceux ayant soutenu ce long combat sur le territoire, « Pour que vive La Piège » leur donne rendez-vous au salon de l’agriculture défavorisée, à Fanjeaux (Occitanie) au début de l’automne.

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